La maitrise de l'eau en agriculture : une question clé «Nous devons mettre de la nourriture dans les bouches qui ont faim ». Le constat, abrupt, surtout venant du patron de la Banque mondiale, a le mérite de souligner l'acuité autant que l'urgence du problème. Quel que soit le regard que l'on porte sur les véritables causes de ses « émeutes de la faim », chaque semaine un peu plus nombreuses, c'est bien l'urgence qu'il y a à redéfinir entièrement le modèle agricole mondial qui se dessine peu à peu. Un modèle agricole capable de nourrir non plus 6 mais 9 milliards d'être humains à l'horizon 2050, malgré les tensions inhérentes aux changements climatiques, en particulier dans les zones les plus arides où vivent déjà plus de 2 milliards de personnes, c'est-à-dire la moitié des déshérités de la planète. Quels que soient les contours de ce nouveau modèle agricole, il ne fait aucun doute que la lutte contre la faim et le sous-développement passe par une hausse substantielle de la production. Problème : l'agriculture consomme actuellement environ 70 % des prélèvements d'eau douce, chiffre pouvant atteindre 95 % dans certains pays en développement. Or, si l'on en croit la FAO, il faudra que la production agricole ait augmenté dans 30 ans de 60% pour subvenir aux besoins de la population mondiale. Cette augmentation, si rien ne change, sera obtenue essentiellement grâce à une agriculture intensive faisant appel à l'irrigation. En effet, les rendements de l'agriculture irriguée sont trois fois plus élevés que ceux de l'agriculture pluviale. C?est dire que la maitrise de l'eau en agriculture va devenir une question clé dans les années qui viennent. Cette maitrise passe nécessairement par plusieurs préalables largement décrits ces dernières années par la FAO et la Banque mondiale : une allocation plus équitable de la ressource entre les différents usages, une utilisation plus efficace de l'eau en agriculture et une meilleure sauvegarde des écosystèmes, ceux-ci lorsqu'ils sont menacés ne pouvant plus jouer leur rôle de régulation et de purification des ressources. Il faudra également reconnaitre à l'eau une vraie valeur pour qu'elle soit respectée et protégée. Tous ces défis rendent plus nécessaire que jamais la mise en place d'une réelle coopération internationale, d'une assistance technique et financière substantielle et la multiplication de partenariats public/privé pour mobiliser les ressources disponibles (elles sont nombreuses) et mettre en place les infrastructures collectives nécessaires à une bonne maitrise de l'eau. De tout temps, la maîtrise de l'eau a toujours été le facteur déterminant du développement humain, qu'il s'agisse d'améliorer les conditions d'hygiène (maladies hydriques, infrastructures sanitaires), de créer les conditions d'une croissance agricole et industrielle (irrigation, énergie hydraulique, navigation) ou d'atténuer les phénomènes extrêmes du cycle hydrologique (inondations ou sécheresses). Aujourd'hui, c'est clairement de notre capacité à produire plus avec moins d'eau que dépendra pour une large part l'issue de la course de vitesse qui vient de s'enclencher.